Pluriel


un chat, des chats
un enfant, des enfants
un jeu, des jeus
un rire, des rires
un cancre, des cancres
un prof, des profs
un camp, des camps
un temp, des temps
un corp, des corps
une classe, des classes
un décor, des décors
un réac, des réacs
un vieu réac, des vieus réacs
un énervé, des énervés
un piège, des pièges
un vexé, des vexés
une orange, des oranges
un réac orange, des réacs oranges
un cheval, des chevaus
un cheveu, des cheveus
un mot, des mots
un mal, des maus
un travail, des travaus
une note, des notes
un examen, des examens
une réflexion, des réflexions
un esprit, des esprits
un chat, des chats
un enfant, des enfants
un joujou, des joujous
un pou sur la tête du vieu prof

Porte d'Aubervilliers

Il y a ici une centaine de langues
Parlées dans les parcs et les rues
Les cris des vendeurs de clopes au prix du bled
Des odeurs de shit mêlées à celles des kebabs

Des gens aux pieds nus dans leurs tongs
Hé monsieur, tu fais quoi ? Des chinoiseries
A l’aurore aux côtés des Chinois du Fujian
Aux prises avec les marchands de sommeil

Sans cesse on doit inventer de nouvelles routes
Pour passer du métro du foyer au café au marché
Où encore on crie en riant pour attirer le passant
Celui en survie qui ne sait plus sourire

Ce n'est pas tant le manque d'argent qui nuit
Que le manque de chaleur
On peut passer le feu mais pas le foyer
À chacun de s’embraser

Car les mots durs blessent la bouche
Et l'âme meurtrie contamine les autres
Opposons aux blasés le front de l’enfant
À la marche vers la mort le présent

On pense avoir le temps
C'est plutôt le temps qui nous a
Si enfermés dans nos vies
On oublie le vaste et le vide

Une fois en route toujours moins
Donc qui m'aime me suive
Passée la Porte des esprits
Vient l'instant où on s'oublie


Aubervilliers-Shanghai, mars-mai 2020