Il y a ici une centaine de langues
Parlées dans les parcs et les rues
Les cris des vendeurs de clopes au
prix du bled
Des odeurs de shit mêlées à celles des
kebabs
Des gens aux pieds nus dans leurs tongs
Hé monsieur, tu fais quoi ? Des
chinoiseries
A l’aurore aux côtés des Chinois du Fujian
Aux prises avec les marchands de sommeil
Sans cesse on doit inventer de nouvelles
routes
Pour passer du métro du foyer au café au
marché
Où encore on crie en riant pour attirer le
passant
Celui en survie qui ne sait plus sourire
Ce n'est pas tant le manque d'argent qui
nuit
Que le manque de chaleur
On peut passer le feu mais pas le foyer
À chacun de s’embraser
Car les mots durs blessent la bouche
Et l'âme meurtrie contamine les autres
Opposons aux blasés le front de l’enfant
À la marche vers la mort le présent
On pense avoir le temps
C'est plutôt le temps qui nous a
Si enfermés dans nos vies
On oublie le vaste et le vide
Une fois en route toujours moins
Donc qui m'aime me suive
Passée la Porte des esprits
Vient l'instant où on s'oublie
Aubervilliers-Shanghai, mars-mai 2020