Exposition "Drawing Shanghai"

 Après des mois de travail acharné, l'exposition "Drawing Shanghai- Shanghai style in the Comics" dont je suis le commissaire s'est tenue au Shanghai Culture Square du 3 février au 26 mars 2022. 

En voici l'affiche principale, variation sur un dessin de Léa Murawiec extrait de son livre "Le Grand Vide".

On trouve de nombreuses photos de l'exposition dans un album sur ma page Facebook :

https://www.facebook.com/media/set/?vanity=yohan.radomski&set=a.10160142519767708

J'ai posté plusieurs vidéos sur YouTube, entretiens ou reportages autour de cette exposition. C'est par ici : 

https://www.youtube.com/playlist?list=PLaNiu7x4M8puBySrxitt4Is6eRG5TbW2v

La Société d'Histoire des Français de Chine

 La Société d'Histoire des Français de Chine publie un entretien avec ma pomme ici :

http://wiki.histoire-chine.fr/index.php?title=Shanghai_et_la_bande_dessin%C3%A9e_:_entretien_avec_Yohan_Radomski


Et republie l'article "Feng Zikai et le manhua" fait pour www.actuabd.com en 2013 avec des ajouts . C'est là : 

http://wiki.histoire-chine.fr/index.php?title=Feng_Zikai_et_le_manhua

Régénération

 Qui pratique l'Art des Souffles sait se régénérer rapidement. Il y a une vieille expression chinoise qui dit : “吹呴呼吸,吐故纳新“ (chui hou hu xi, tu gu na xin), soit "En soufflant et en respirant, on rejette l'ancien, on reçoit le neuf."

Cela semble relever de l'évidence, mais qui s'intéresse un peu à la culture traditionnelle chinoise sait que ce qui semble une banalité peut recéler un trésor de philosophie, entendue comme l'art de vivre avec sagesse.

La respiration régénère, c'est un processus naturel... Que nous pouvons optimiser par des postures, des mouvements, des visualisations, des rythmes respiratoires particuliers.

Je vous montre ici une pratique simple d'assise que vous pouvez effectuer facilement à tout moment de la journée.

La Posture

S'asseoir sur le bord d'une chaise, le dos non posé contre le dossier, bien droit sans être rigide. Ouvrir les jambes à trente degrés pour stabiliser la posture. Les pieds sont bien à plat sur le sol, en avant des genoux. Les paumes sont posées sur les cuisses. Le regard se pose naturellement vers le bas.

 


Premier temps

Sentir pleinement son corps, revenir à soi, se poser. Ressentir sa corporalité, la pesanteur, laisser faire. S'asseoir en soi, se recentrer vers le bas-ventre et le bassin.

Combien de temps ? Cela peut être un instant, une ou deux minutes, ou plus. Avec l'expérience, ou selon les moments, on se recentre plus ou moins vite. Peu importe le minutage, l'important est juste de ressentir que vous vous êtes centré, posé.

Second temps

Sentir sa respiration, l'inspir qui vient, l'expir qui part. Il ne s'agit pas de la forcer, de l'observer ou d'en être conscient. Mais plutôt juste de s'asseoir avec sa respiration, de ressentir ce mouvement permanent auquel nous ne prêtons généralement pas attention. La respiration est là, involontaire, naturelle. Un inspir, un expir, un inspir.

Combien de temps ? Encore une fois, peu importe, du moment que vous avez établi le contact avec le jeu respiratoire qui vous anime.

Troisième temps

On pose son attention sur le lien entre notre corps et notre respiration.On utilise des mots et des images pour guider notre ressenti et optimiser le travail naturel de régénération que notre corps accomplit.

Sur l'expir par la bouche, on pense "rejeter l'ancien", sur l'inspir par le nez : "recevoir le neuf".

L'inspir s'accompagne de sensations de légèreté, de clarté, de fraîcheur. L'expir de sensations de lourdeur, d'assombrissement, d'usé.

On peut poser son attention sur ces seules sensations pendant le jeu respiratoire. Ou coupler l'attention sur les sensations avec la formule "rejeter l'ancien, recevoir le neuf."

Combien de temps ? Vous connaissez déjà la réponse. Bonne pratique !

Relaxation

 

Connaissez-vous cette posture ? On la voit ici au temple du Bouddha de Jade à Shanghai (YuFo Si).

Elle est sans doute un peu oubliée de nos jours quand nous ne savons plus nous asseoir et nous allonger simplement sur le sol, torturant nos corps assis à longueur de temps devant nos écrans.

Il s'agit d'un ancienne posture de relaxation et de méditation : essayez-la.

Allongez-vous sur un flanc, une main soutenant la tête, le pouce et l'index entourant l'oreille. Vos chevilles et genoux reposent les uns sur les autres. L'autre bras se pose naturellement sur le flanc tourné vers le ciel. Les yeux sont ouverts ou à demi-fermés et ne regardent rien de particulier, dans le vague. Si vos pensées sont très agitées, vous pouvez aussi visualiser un lac paisible de montagne.

Pendant cinq ou dix minutes, on laisse simplement le corps se poser, revenir à lui-même, à une respiration tranquille, au coeur. Posez-vous, revenez à la source.

Puis relevez-vous et reprenez le cours de votre vie.

Peut-être que cela fait des années que vous n'avez pas pris cette posture. Et pourtant votre corps la connait et parfois on la prend "sans y penser". C'est comme un programme de sauvegarde, déjà là inscrit dans notre corps.

C'est aussi une posture qui favorise la rêverie, l'imagination, la créativité. Après s'être relaxé, on peut laisser ses pensées vagabonder et c'est bien utile et agréable.


Guanyin à la lune sur l'eau

 Une statuette de la boddhisatva Guanyin (époque Tang, musée de Yangzhou).

 

Papcio Chmiel

Suite au décès de l'auteur polonais Papcio Chmiel, j'ai écrit un petit article sur lui, non pas que je sois fan de son boulot ou même connaisseur, mais c'est un travail plein de fantaisie et qui a apporté à la BD polonaise. Cela méritait d'y jeter un oeil.

Papcio Chmiel, disparition d’un auteur incontournable de la BD (...) - ActuaBD


Pluriel


un chat, des chats
un enfant, des enfants
un jeu, des jeus
un rire, des rires
un cancre, des cancres
un prof, des profs
un camp, des camps
un temp, des temps
un corp, des corps
une classe, des classes
un décor, des décors
un réac, des réacs
un vieu réac, des vieus réacs
un énervé, des énervés
un piège, des pièges
un vexé, des vexés
une orange, des oranges
un réac orange, des réacs oranges
un cheval, des chevaus
un cheveu, des cheveus
un mot, des mots
un mal, des maus
un travail, des travaus
une note, des notes
un examen, des examens
une réflexion, des réflexions
un esprit, des esprits
un chat, des chats
un enfant, des enfants
un joujou, des joujous
un pou sur la tête du vieu prof

Porte d'Aubervilliers

Il y a ici une centaine de langues
Parlées dans les parcs et les rues
Les cris des vendeurs de clopes au prix du bled
Des odeurs de shit mêlées à celles des kebabs

Des gens aux pieds nus dans leurs tongs
Hé monsieur, tu fais quoi ? Des chinoiseries
A l’aurore aux côtés des Chinois du Fujian
Aux prises avec les marchands de sommeil

Sans cesse on doit inventer de nouvelles routes
Pour passer du métro du foyer au café au marché
Où encore on crie en riant pour attirer le passant
Celui en survie qui ne sait plus sourire

Ce n'est pas tant le manque d'argent qui nuit
Que le manque de chaleur
On peut passer le feu mais pas le foyer
À chacun de s’embraser

Car les mots durs blessent la bouche
Et l'âme meurtrie contamine les autres
Opposons aux blasés le front de l’enfant
À la marche vers la mort le présent

On pense avoir le temps
C'est plutôt le temps qui nous a
Si enfermés dans nos vies
On oublie le vaste et le vide

Une fois en route toujours moins
Donc qui m'aime me suive
Passée la Porte des esprits
Vient l'instant où on s'oublie


Aubervilliers-Shanghai, mars-mai 2020

En direct de Shanghai : Entretien avec Yohan Radomski


L'ADFE Shanghai me tire le portrait sur leur compte WeChat : https://mp.weixin.qq.com/s?__biz=MzU5OTU2NTMzOA%3D%3D&mid=2247484154&idx=1&sn=11bd995400d0dd1972f6286e7da6b3a3&chksm=feb3b78fc9c43e99ec7ae04a96a11bc41931a67f98faf305372dddc5e0d49f02c520c0ce1075&mpshare=1&scene=1&srcid&sharer_sharetime=1573800951055&sharer_shareid=beaadddf9a6af8fc48473055e43edaf9&pass_ticket=kc%2BdwKmkHRRm0561ioXXRw35KCdvVcy6xPzJ%2FmEBsytR4x9KKotLIH%2BkhfuuJfNc&fbclid=IwAR2Hj8S7weit9aPaIJdf0UfEvc0HTyBm3YjBQxV4UWfOL-0GAmbTuXGoVsc#rd

Nous vous présentons chaque mois une personne vivant à Shanghai. Pour ce deuxième portrait, nous avons rencontré Yohan Radomski.

Si vous vivez à Shanghai depuis quelques années, vous aurez peut-être déjà croisé Yohan. Si vous venez d'arriver, vous le trouverez très certainement à L'Arbre du Voyageur, dans le parc Zhongshan ou encore à une rencontre autour de la bande dessinée.


Yohan est le responsable de L'Arbre du Voyageur, la librairie francophone de Shanghai, qui est un service de l'Institut Français de Chine. Mais il est également passionné de Qigong, qu'il pratique depuis de nombreuses années, et de bande dessinée pour laquelle il écrit des scénarios et tente de faire connaître des auteurs chinois en France.


La Découverte de la Pologne
Originaire de la région de Poitiers, Yohan a fait une partie de ses études sur Nancy et Bordeaux. Il étudie les langues (anglais, italien et polonais), puis plus tard fera un diplôme pour enseigner le français comme langue étrangère (FLE), ce qui l'amènera à partir en Pologne en 2006 pour enseigner. La Pologne, c'est le pays de son grand-père, venu en France en 1940 pour continuer avec les Alliés le combat contre le nazisme. Yohan n'y était jamais allé enfant, pourtant il y renouera avec sa famille et se liera d'amitié avec Jakub Rebelka, le dessinateur avec qui il a réalisé sa dernière bande dessinée (La Cité des Chiens). Pendant son temps libre, il commence à donner des cours de Qigong, une pratique méconnue dans ce pays à l'époque.

En Route vers la Chine
Après deux ans en Pologne, et étant attiré par la culture traditionnelle chinoise, il décide de partir pour la Chine en 2008, d'abord vers Harbin. A son arrivée, les clichés qu'il avait tombent : la vision d'un restaurant Mc Donald's l'étonne, la Chine a embrassé la culture américaine et la culture traditionnelle n'est plus que peu perceptible. Ce n'est qu'en vivant longtemps dans le pays et en faisant les bonnes rencontres qu'on la perçoit en arrière-plan.

En pleine ouverture, la Chine veut parler les langues du monde, et à Harbin, Yohan sera chargé d'ouvrir le département de français de l'Université Normale. Yohan se plonge dans l'apprentissage du mandarin, fréquente plusieurs enseignants de Taijiquan et continue à donner des cours de Qigong, cette fois à des étudiants chinois et coréens.

Quand on lui demande d'expliquer cette pratique, Yohan explique qu'il existe de nombreux courants de Qigong, un mot un peu fourre-tout surtout utilisé depuis les années 50. Le Qigong qu'il enseigne est un art lié à la culture taoïste dont le but est non seulement d'améliorer la santé de ceux qui le pratiquent, mais aussi de trouver une certaine sérénité en intégrant le Tao, le changement perpétuel qui anime toutes choses. Cela en fait donc une pratique aussi bien physique que spirituelle, et même écologique car elle favorise un grand respect pour la Nature dont l'Homme fait partie intégrante aux yeux des taoïstes.

La Culture à Shanghai
Recherchant davantage d'opportunités culturelles, puisque Yohan écrit aussi beaucoup d'articles et travaille sur des scénarios de bandes dessinées, il décide de s'installer à Shanghai en 2010. Il travaillera d'abord à l'Université Fudan, puis ira à l'Université du Commerce Extérieur et enfin passera par l'Alliance Française. Ayant déjà travaillé en librairie et médiathèque en France, il postule en 2016 en tant que responsable de L'Arbre du Voyageur et est choisi.
 
Ce travail le rapproche de sa première passion. Voilà de nombreuses années que Yohan écrit des nouvelles, des articles en lien avec la BD, des scénarios pour le magazine jeunesse Je bouquine. Il a déjà publi
é trois albums (La Danse macabre et les deux volumes de La Cité des Chiens), et il travaille sans cesse sur de nouveaux projets en collaboration aussi bien avec des dessinateurs chinois qu'européens.


Un de ses objectifs est de faire découvrir la bande dessinée chinoise, si peu connue à la fois en Chine, car moins populaire depuis les années 80, mais aussi à l'étranger. Pour cela, il travaille avec les Editions de la Cerise qui éditent des auteurs chinois en France. Ont déjà été publiés : Au Pays du Cerf blanc de Li Zhiwu, Souvenirs de Hulan He de Hou Guoliang et Quand mon âme vagabonde en ces anciens royaumes de Dai Dunbang.

Yohan entretient un lien régulier et particulièrement affectif avec le grand dessinateur shanghaien Dai Dunbang ou encore un lien complice avec Thierry Robin (dessinateur français vivant près de Shanghai, pionnier des échanges interculturels avec la Chine) avec qui il explore le monde du dessin chinois.

Les Arts du Tao
Concernant sa deuxième passion, Yohan continue de partager ses riches connaissances sur les traditions chinoises. En plus de ses cours de Qigong, il donne depuis quelques mois un cours de Taijiquan, art martial qu'il étudie depuis sept ans avec son maître shanghaien Hao Yinru. Si le Taijiquan a une visée martiale et repose sur des bases corporelles rigoureuses, il faut une longue pratique et un haut niveau avant d'envisager une utilisation au combat. Au quotidien, Yohan l'assimile alors davantage à une pratique d'entretien du corps qui harmonise le mental et conduit à la droiture et la bienveillance.

Le but de donner des cours, ce n'est bien sûr pas de faire des profits de cette activité, c'est avant tout la transmission et le partage de connaissances dans la tradition fraternelle et humaniste des élèves qui deviennent enseignants et transmettent à leur tour leurs connaissances. Yohan cite un proverbe confucianiste "On se réalise à moitié par la pratique, et à moitié par l'enseignement", et il se réjouit quand il voit les bénéfices psychocorporels de ces « chinoiseries » autour de lui. Vous pouvez découvrir le Qigong et le Taijiquan avec Yohan en suivant le compte Wechat des Arts du Tao :

 Au travers d'échanges avec le dessinateur Dai Dunbang et son entourage d'élèves et d'amis ou encore avec son maitre de Taijiquan Hao Yinru, Yohan continue semaine après semaine son exploration du Wen (la culture) et du Wu (la bravoure) comme le veut la culture traditionnelle chinoise et poursuit son rôle de passeur pour partager ce qu'il apprend de la Chine avec les Français.

Un entretien de 2014 sur le site du Consulat :
https://cn.ambafrance.org/Portraits-de-Francais-a-Shanghai

Dai Dunbang - Un Rêveur dans le Pavillon rouge

J'ai fait un petit documentaire sur une exposition de Dai Dunbang qui a eu lieu du 14 juin au 25 août 2019 à la Shanghai Jiushi Art Gallery, sur le Bund.

C'est mon premier documentaire et cela a été du boulot, pour un résultat moyen, mais j'ai appris et compris pas mal de choses sur le montage.



"L'Attente"


L’homme pouvait rester des heures assis sur son vieux fauteuil en cuir, à s’abimer dans la contemplation du papier peint qui s’auréolait d’humidité dans la pièce principale où il vivait, à la fois chambre et atelier. Trompés par son immobilité, des cafards s’aventuraient sur les murs et s’approchaient des taches du papier peint, comme des lions bleus qui viendraient s’abreuver à une mare.

Parfois, peut-être revenu à lui parce que son estomac gargouillait ou parce que sa gorge se contractait de soif, l’homme remuait un bras ou une jambe et les insectes alors s’égaillaient pour rejoindre les recoins obscurs où ils aimaient se cacher. Alors l’homme se levait pour passer dans la cuisine où se trouvaient aussi dans un coin, derrière une simple cloison, les toilettes.
Il ouvrait le frigo, mangeait froid ou réchauffait ce qu’il pouvait y trouver, et s’il n’y avait rien, il sortait faire des courses. Quelquefois, il se payait le luxe de manger dehors : un kebab de dinde et un soda à l’orange, qu’il faisait passer en fumant une cigarette roulée.
       Il revenait s’asseoir dans le fauteuil moulé à son corps, tournant le dos à la fenêtre, et contemplait la pièce où il vivait : un matelas dans un coin posé au sol ; quelques étagères faites de planches brutes et de briques et quelques livres ; un miroir dont le cadre en plastique doré figurait les rayons du soleil ; une cheminée qui ne marchait pas ; un chauffage électrique qui consommait beaucoup et fournissait peu de chaleur ; une malle en bois sur laquelle était gravée « Zanzibar » ; une table basse près du fauteuil avec quelques magazines ; et lui sur son fauteuil.

Puis, l’homme entrait dans le vague.

Il était dans un désert, et les collines de sable qui s’élevaient là lui apportaient tour à tour des idées. Il les accueillait sans surprise car la plupart lui étaient déjà connues. Certaines se faisaient charmeuses et insistantes et il leur souriait. D’autres passaient rapidement dans un tourbillon de poussière et il avait à peine le temps de les suivre. D’autres encore étaient complètement passives, comme écrasées de soleil, et c’était alors à lui de s’approcher doucement et d’essayer de les comprendre.
Comme d’habitude, l’homme allait s’asseoir au bord d’une mare d’où émanait une aimable fraîcheur. Il se penchait et contemplait les images qui remontaient sans cesse à la surface de l’eau. Il revoyait tous les âges de sa vie, ses amis, ses chers disparus et ses amantes. Il leur faisait un signe de la main, et les autres souriaient, là en bas, en clignant de l’œil.
Il grimpait sur une colline et laissait son regard filer jusqu’à l’horizon et son esprit s’emplir de l’immensité du désert. Des oasis poussaient, offrant aux voyageurs épuisés leurs fruits et l’ombre de leurs tentes. Des masseurs aux mains huilées achevaient de dénouer les tensions de leurs trapèzes. On entendait derrière les tentures les rires des goules qui se laissaient embrasser dans le cou.
Plus loin, des cités merveilleuses venaient caresser le ciel de leurs tours dorées. Des canaux serpentaient entre les quartiers où s’affairaient des toucheurs de tissu, des tourneurs de viande, des colporteurs de grimoires, des faiseurs d’images, des débiteurs de boisson, des graveurs sur peau, des ouvreurs de vapeur, des sécheurs d’herbes, des souffleurs de verre, des montreurs d’illusions, des passeurs de caprices, des bateleurs d’eau, des voleurs de ciel, des pailleurs d’or et des changeurs d’air.

       L’homme retenait son souffle. Un lion bleu s’était approché de lui et l’observait. L’homme plongea dans son regard sans retenue, attentif à conserver son calme. Le lion rugit et l’homme resta en apparence immobile mais une peur était montée en lui. Il la goûta pleinement et constata l’étendue des dégâts : peau ridée, cheveux blancs, dents perdues, muscles flasques, os fragiles, mémoire en morceaux. Le lion se détourna et descendit pesamment la colline pour aller s’abreuver. Le point d’eau était sien.

       On frappait à la porte. L’homme revint à lui, ouvrit les yeux et contempla un instant le paysage familier de cette chambre où il aimait tant à se perdre. On frappa encore.
       L’homme se leva du vieux fauteuil en cuir, qui garda comme à regret la forme de son corps. Il ouvrit la porte. C’était un homme et une femme vêtus de noir.
-         Nous sommes venus vous chercher.
-         Je vous attendais. Je suis prêt à vous suivre, dit l’homme en souriant.